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La Loi du 4 mai 2004 dite « Loi Fillon » a profondément modifié les règles de la négociation collective. Répondant à une revendication du Medef, elle a fait disparaître le principe de faveur qui régissait les rapports entre accords collectifs.
En « contrepartie », elle a introduit un droit d'opposition renforcé, applicable y compris aux accords non-dérogatoires, censé apporter plus de « démocratie » dans la négociation collective.
Sans le faire totalement disparaître, elle réforme le principe des effets « erga omnes » de l'accord collectif. Depuis la loi du 11 février 1950, ce principe, destiné à contourner la position dominante de la CGT, permettait à la signature d'une seule organisation syndicale « représentative » d’engager l'ensemble des salariés.
Une démocratie « d'opposition » à géométrie variable...
C'est une drôle de démocratie que cette loi met en place : elle favorise des « majorités » d'opposition et non de construction.
Même si son dispositif prévoit en théorie la mise en oeuvre de majorités de « construction », dans la pratique, seules les majorités d'opposition à l'entrée en vigueur d'accords déjà signés pourront être mises en oeuvre.
La conception de « majorité » diffère, quant à elle, selon que l'on se situe au niveau de l'ANI (accord national interprofessionnel), de la branche ou bien de l'entreprise, de l'établissement ou du groupe...
A ces règles hétérogènes et parfois complexes, s'ajoutent des zones d'ombres que les tribunaux n'ont pas encore définitivement tranchées.
Depuis la loi du 4 mai 2004, les gouvernements ont ouvert à la négociation collective des domaines qui relevaient jusque là des comités d'entreprises, tels que les accords de méthode ou la GPEC. Les négociations se multiplient donc et... les occasions d'exercer le droit d'opposition aussi ! En attendant que la revendication de la CGT de changer les règles de la représentativité devienne la… règle ! (voir la position commune CGT CFDT du 4 décembre 2006).
L'opposition à un accord national interprofessionnel
Art. L. 132-2-2.- (L. no 2004-391, 4 mai 2004, art. 37)
I - La validité d’un accord interprofessionnel est subordonnée à l’absence d’opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d’application de l’accord. L’opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de cet accord.
Si une majorité d'organisations de salariés s'oppose à un ANI, celui-ci est nul et de nul effet.
Dans l'état actuel des règles de représentativité, cela impose l'opposition de trois organisations sur les cinq (CGT, CFDT, F.O., CFTC, CGC).
Peu importe la représentativité réelle de ces syndicats : aux termes de la Loi, la CFTC et la CGT, par exemple, comptent chacune pour un !
L'opposition doit être notifiée à toutes les organisations signataires dans les quinze jours suivant la réception de la notification. Elle doit être motivée.
L'opposition à un accord de branche
Art. L. 132-2-2.- (L. no 2004-391, 4 mai 2004, art. 37)
II - Lorsqu’une convention de branche ou un accord professionnel étendu, conclu conformément aux dispositions du I, le prévoit, la validité des conventions ou accords conclus dans le même champ d’application professionnel est subordonnée à leur signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés de la branche.
La convention ou l’accord mentionné à l’alinéa précédent définit la règle selon laquelle cette majorité est appréciée en retenant les résultats :
a) Soit d’une consultation des salariés concernés, organisée périodiquement, en vue de mesurer la représentativité des organisations syndicales de salariés de la branche ;
b) Soit des dernières élections aux comités d’entreprise, ou à défaut des délégués du personnel.
La consultation prévue au a), à laquelle participent les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L433-4 ou L423-7, doit respecter les principes généraux du droit électoral. Ses modalités et sa périodicité sont fixées par la convention de branche ou l’accord professionnel étendu mentionné au premier alinéa du présent II. Les contestations relatives à cette consultation relèvent de la compétence du tribunal de grande instance.
Dans le cas prévu au b, la convention de branche ou l’accord professionnel étendu fixe le mode de décompte des résultats des élections professionnelles.
A défaut de la conclusion de la convention ou de l’accord étendu prévu au premier alinéa du présent II, la validité d’une convention de branche ou d’un accord professionnel est soumise aux conditions prévues au I.
La Loi prévoit deux possibilités.
A- Il n'y a pas d'accord de branche réglant les conditions d'exercice du droit d'opposition au niveau de la branche :
La règle qui s'applique pour l'exercice du droit d'opposition est la même que pour l'ANI : il faut une majorité de syndicats représentatifs qui s'opposent pour que l'accord devienne caduc.
L'opposition doit être notifiée à tous les signataires dans les quinze jours suivant la réception de la notification et doit être motivée.
B- Un accord non frappé d'opposition est intervenu sur la branche pour mettre en place une règle majoritaire :
Dans ce cas, seuls les accords signés par des organisations représentant une majorité de salariés entrent en vigueur. Cette majorité est mesurée soit en fonction des résultats des élections de CE ou, à défaut, de DP des entreprises concernées, soit par une consultation unique au niveau de la branche.
Ce type d'accord reste théorique : dans la pratique, les syndicats minoritaires (CFTC, CGC et FO) s'opposent à sa mise en place.
L'opposition au niveau de l'entreprise, de l'établissement ou du groupe
Art. L. 132-2-2.- (L. no 2004-391, 4 mai 2004, art. 37)
III - Une convention de branche ou un accord professionnel étendu conclu conformément aux dispositions du II détermine les conditions de validité des conventions ou accords d’entreprise ou d’établissement, en retenant l’une ou l’autre des modalités énumérées aux 1o et 2o ci-après :
1o Soit la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement est signé par une ou des organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; si les organisations syndicales de salariés signataires ne satisfont pas à la condition de majorité, le texte peut être soumis, dans des conditions fixées par décret et devant respecter les principes généraux du droit électoral, à l’approbation, à la majorité des suffrages exprimés, des salariés de l’entreprise ou de l’établissement, à l’initiative des organisations syndicales de salariés signataires, à laquelle des organisations syndicales de salariés non signataires peuvent s’associer ;
2o Soit la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. L’opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de cet accord.
En cas de carence d’élections professionnelles, lorsqu’un délégué syndical a été désigné dans l’entreprise ou dans l’établissement, la validité d’une convention ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement signé par ce délégué est subordonnée à l’approbation de la majorité des salariés dans les conditions du 1o.
Lorsque la convention ou l’accord n’intéresse qu’une catégorie professionnelle déterminée relevant d’un collège électoral défini à l’article L.433-2 , sa validité est subordonnée à la signature ou à l’absence d’opposition d’organisations syndicales de salariés représentatives ayant obtenu au moins la moitié des suffrages exprimés dans ce collège.
En l’absence de convention ou d’accord étendu tel que prévu au premier alinéa du présent III, la validité de la convention ou de l’accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa conclusion selon les modalités définies au 2o.
C'est le seul niveau où la majorité réelle est prise en compte.
Deux cas de figure sont possibles :
A- Absence d'un accord de branche relatif aux conditions de validité des accords d'entreprise
Dans ce cas, les syndicats représentant une majorité de salariés aux dernières élections peuvent s'opposer à l'accord collectif, qui devient nul et de nul effet.
La représentativité est calculée par rapport aux suffrages exprimés au premier tour des élections de CE ou, à défaut, de DP.
L'opposition doit être notifiée à tous les signataires dans les huit jours suivant la réception de la notification et doit être motivée.
Seul élément positif de la Loi Fillon, ce système nous prémunit des accords au rabais dans les entreprises où nous sommes en mesure de réunir une majorité. C’est ce système qui est généralement en vigueur dans nos entreprises.
Il vient d'être sérieusement affaibli par la cour de cassation : jusqu'au 20 décembre 2006, on considérait, sur la foi d'une circulaire ministérielle, que c'était le résultat du 1er tour qui devait être pris en compte, même si le quorum n'était pas atteint. Dans son premier arrêt rendu pour trancher cette question, la cour considère que l'absence de quorum doit être assimilée à une carence d'élections professionnelle. Tout accord collectif doit, dans ce cas, être soumis à référendum !
B- Existence d'un accord de branche relatif aux conditions de validité des accords d'entreprise
L'accord peut choisir entre la majorité pour l'opposition (dans les même conditions qu'au 3-A) ou de subordonner la validité de l'accord à une signature majoritaire.
Si la validité est liée à une signature majoritaire, l'accord n'est valable que s'il est signé par une ou des organisations représentant la majorité des suffrages exprimés au premier tour des élections de CE ou, à défaut, des DP.
Dans ce cas, si l'accord est signé par des syndicats minoritaires, il peut être soumis à référendum.
Dans la pratique et pour les mêmes raisons évoquées pour les accords de branche, cette situation reste théorique. Si c'est la seule qui fait appel à une démocratie de construction et non d'opposition, cette hypothèse est dangereuse car elle prévoit le recours au référendum en cas de signature minoritaire. Or, nous avons pu le voir lors de la mise en place des 35 heures, les scrutins organisés par le patron et des syndicats minoritaires tournent souvent à l'avantage de ces derniers.
Modalités pratiques de l'exercice du droit d'opposition dans l'entreprise, l'établissement ou le groupe, en l'absence d'accord de branche régissant les conditions de validité.
Art. L. 132-2-2.- (L. no 2004-391, 4 mai 2004, art. 37) -
III - Une convention de branche ou un accord professionnel étendu conclu conformément aux dispositions du II détermine les conditions de validité des conventions ou accords d’entreprise ou d’établissement, en retenant l’une ou l’autre des modalités énumérées aux 1o et 2o ci-après :
1o Soit la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement est signé par une ou des organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; si les organisations syndicales de salariés signataires ne satisfont pas à la condition de majorité, le texte peut être soumis, dans des conditions fixées par décret et devant respecter les principes généraux du droit électoral, à l’approbation, à la majorité des suffrages exprimés, des salariés de l’entreprise ou de l’établissement, à l’initiative des organisations syndicales de salariés signataires, à laquelle des organisations syndicales de salariés non signataires peuvent s’associer ;
2o Soit la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. L’opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de cet accord.
En cas de carence d’élections professionnelles, lorsqu’un délégué syndical a été désigné dans l’entreprise ou dans l’établissement, la validité d’une convention ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement signé par ce délégué est subordonnée à l’approbation de la majorité des salariés dans les conditions du 1o.
Lorsque la convention ou l’accord n’intéresse qu’une catégorie professionnelle déterminée relevant d’un collège électoral défini à l’article L.433-2, sa validité est subordonnée à la signature ou à l’absence d’opposition d’organisations syndicales de salariés représentatives ayant obtenu au moins la moitié des suffrages exprimés dans ce collège.
En l’absence de convention ou d’accord étendu tel que prévu au premier alinéa du présent III, la validité de la convention ou de l’accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa conclusion selon les modalités définies au 2o.
1-Calcul de la majorité sur la base des suffrages exprimés au premier tour des élections de CE ou, à défaut de DP.
Depuis la loi du 4 mai 2004, il était généralement considéré que l’on devait dépouiller les résultats du 1er tour et opérer sur leur base le calcul de l’audience de chaque organisation.
Un arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2006 syndicat CGT Adecco est venu contredire cette position (qui est également celle d’une circulaire ministérielle).
La cour considère en effet qu’en l’absence de quorum au 1er tour, « il n’y a pas lieu de décompter les suffrages exprimés » et « il y a carence au sens de l’article L.132-2-2 III du code du travail ». Ce qui signifie, en clair, que la validité de l’accord est subordonnée à son approbation par référendum !
La solution est très contestable pour de multiples raisons. La première, c’est qu’elle rajoute une condition de quorum pour le décompte des voix au premier tour qui n’existe pas dans la loi du 4 mai 2004. Ensuite, elle crée une situation extrêmement complexe juridiquement et politiquement.
Peut-on en effet considérer qu’il y a carence lorsque le quorum n’a pas été atteint au premier tour, alors qu’une véritable carence, c’est lorsqu’il n’y a pas du tout de candidatures ? La Loi parle bien de décompte à partir des suffrages exprimés au premier tour. Les suffrages sont exprimés même si le quorum n’a pas été atteint !
Dans les entreprises à établissements multiples, cette décision constitue un véritable casse-tête.
Comment mesurer en effet si l'on est majoritaire lorsque le quorum a été atteint dans certains établissements et pas dans d'autres?
Plusieurs hypothèses sont possibles:
°La première serait de considérer qu'il y a carence dès le moment où, dans un établissement au moins, le quorum n'est pas atteint. Cette solution serait critiquable car l'on pourrait imaginer un quorum atteint dans 49 établissements sur 50 avec un juge qui considérerait qu'il y a carence sur l'ensemble de l'entreprise... C'est pourtant ce que semble suggérer l'arrêt du 20 décembre 2006 !
°La solution la plus logique au regard de la décision de la cour de cassation, voudrait que l'on comptabilise uniquement les voix des établissements où le quorum a été atteint. Des suffrages ayant été incontestablement exprimés au premier tour, il conviendrait donc de mesurer l’audience de chaque organisation à partir de ces suffrages et uniquement de ceux-là. La décision de la cour de cassation ne traitant que d’établissements où le quorum n’a pas été atteint, elle ne répond pas à cette question.
Un casse-tête, donc pour lequel il faudra attendre la réponse de la cour de cassation !
En attendant et pour le cas où elle changerait d’avis, nous conseillons de continuer à dépouiller les votes à l’issue de premier tour et à consigner les résultats, même en l’absence de quorum.
L’approbation par les salariés est une condition de validité de l’accord pour le cas où il y a eu carence lors des élections (en cas d’absence de quorum, selon la cour de cassation). La loi précise que l’initiative revient aux organisations de salariés signataires, auxquelles les non-signataires peuvent s’associer. Ni le patron, ni les non-signataires ne peuvent donc prendre l’initiative du referendum.
Les conditions de l’organisation du referendum sont fixées par le décret du 28 janvier 2005 (art D 132-1 à D 132-3 du code du travail).
L’accord ne devient valide qu’à l’issue de son approbation par les salariés.
2-La motivation de l'opposition
Il ne suffit pas d'être majoritaire pour annuler les effets d'un accord. La Loi prévoit que l'opposition soit motivée. Cela signifie que dans la lettre notifiant l'opposition, nous devons indiquer les raisons pour lesquelles nous nous y opposons (revendications de la CGT, points contestés...)
3-Les conditions de forme
Attention!!
Les délais d'opposition sont très brefs : 8 jours pour l'accord d'entreprise, d'établissement ou de groupe, à compter de la réception de la notification.
- A qui doit-on adresser l'opposition ?